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Tetzlaff, Radulovic, et tant d’autres… à quoi bon continuer à jouer?

Je vous ai parlé plusieurs fois de toute l’admiration que j’ai envers Janine Jansen, cette violoniste dont j’ai tous les albums et que j’ai vue deux fois en concert.

Ne croyez pas pour autant que je fais une fixation sur elle.

Il y en a d’autres, beaucoup d’autres qui méritent une écoute plus qu’attentive.

J’aimerais commencer par parler des œuvres que j’ai écoutées des dizaines de fois par des artistes aussi exceptionnel(le)s les un(e)s que les autres: les sonates et partitas de Bach pour violon.

Pour être en train péniblement d’essayer d’en jouer quelques-unes ces derniers temps, de partitas, je vois la complexité de cette musique, l’inventivité et l’incroyable subtilité de Bach. Ce compositeur était un génie, voilà tout, je sais que je n’invente rien, mais ça ne mange pas de pain de le répéter.

Je les ai écoutées par différents artistes donc, les magnifiques Isabelle Faust, diapason d’or 2012 Amandine Beyer, diapason d’or 2011, Julia Fischer, entre autres, une de mes interprétations préférées, d’ailleurs elle aussi diapason d’or en 2005.

Il y a encore tellement d’autres interprétations, mais ces trois-là, elles sont splendides.

Et voilà qu’il y a quelques semaines, après deux premiers enregistrements en 1994 et 2008, Christian Tetzlaff revient pour nous offrir une version revisitée de ces sonates et partitas.

Comme il l’explique très bien dans Diapason n° 661 d’octobre 2017, pages 42 à 45, il les a tellement jouées en concert, en plus de ses deux précédents enregistrements, qu’il les a totalement intégrées, qu’il est libéré de toute contingence technique, et cela s’entend.

Cet article est d’ailleurs passionnant: on y voir comment un artiste entre dans un enregistrement: chaque élément d’une partita ou d’une sonate est mis dans son contexte, analysé, ressenti profondément par l’interprète.

Au final, une interprétation époustouflante à la fois de légèreté, de maîtrise technique, et de profondeur émotionnelle.

Qobuz termine sa présentation de cet enregistrement ainsi «?L’approche de Tetzlaff consiste en un intrigant mélange de prise de risques, d’ouverture d’esprit, de technique brillante et d’une grande humilité devant les œuvres. L’auditeur aura sans doute la sensation parfois de redécouvrir ces œuvres comme si l’encre de Bach venait de sécher.?»

Je ne saurais mieux dire.

Et puis, j’aimerais vous présenter un autre disque sorti en septembre 2017 tout à fait passionnant.

 

Nemanja Radulovi? n’est pas seulement beau, comme vous pouvez le voir sur la jaquette de ce disque. De toute façon voyez-vous, ce n’est pas tellement cela qui m’intéresse.

Ce type est incroyable: d’abord, il est multiple, tout aussi bon violoniste qu’altiste, et ne touchant pas si mal le violoncelle à ce que l’on dit.

Il nous fait profiter ici de ses deux instruments principaux.

D’abord avec le concerto pour violon de Tchaïkovski, une merveille qui te tire les larmes sur le thème principal du premier mouvement en particulier.

Je l’ai beaucoup entendu, joué par tant de violonistes merveilleux.

Nemanja Radulovi? est tout simplement étonnant: il le respire autrement, les silences sont des silences, il l’interprète pleinement, avec des changements de rythme assumés, c’est vraiment passionnant.

Des cadences splendides.

Et tellement prenant au final.

Ce qui l’est presque plus encore, c’est la symbiose avec le Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra dirigé pas le chef Sascha Goetzel complètement à l’écoute du violoniste.

Purée, c’est qu’il faut le suivre!

N’oublions pas que ce concerto avait été écrit pour  Leopold Auer qui refusa de le jouer tellement il était difficile.

Cette difficulté, vous ne l’entendez même pas, tellement Nemanja Radulovi? a fait sienne la partition.

Magnifique! Étonnant, à écouter d’urgence et à glisser dans ses favoris.

Mais ce n’est pas tout, la deuxième partie de ce magnifique album est consacrée aux variations Rococo du même auteur, normalement dédiées au violoncelle, l’instrument des sœurs de Nemanja Radulovi? qui les ont beaucoup jouées quand il était enfant.

Et voilà que Nemanja Radulovi? en a fait faire un arrangement pour alto, son ensemble Double Sens et piano.

Arrangement magnifique signé… Yvan Cassar, qui a été pendant des années, si je ne fais erreur, l’arrangeur de Johnny.

Mais là, strictement rien de rock, encore heureux!

On reste dans l’idée de Tchaikovsky, d’ailleurs, on ne m’aurait rien dit que je n’aurais même pas remarqué que quelqu’un d’extérieur s’était intégré dans le projet.

Mais que c’est beau l’alto!

Quel dommage qu’il n’y ait pas plus de concertos qui lui soient dédiés.

En conclusion (eh oui, il y a une conclusion à l’écoute de disques, pour une fois)

Quand j’écoute ces violonistes, je me sens comme un petit joueur de 5e ligue en tennis qui regarde jouer Federer contre Nadal.

On se dit ben merde quoi…

À quoi bon, quand on sera au top de la partition, on n’aura même pas atteint le niveau de leur déchiffrage…

C’est presque décourageant.

C’est décourageant en fait.

Et puis bon, l’envie de continuer revient vite, parce qu’à notre petit niveau, c’est tellement dur que lorsqu’on arrive au bout d’une partition sans avoir bédé comme on dit chez nous, en essayant d’y avoir mis tout ce qu’on pouvait, c’est aussi une sorte de plénitude.

Pour nous en tout cas, pour ceux qui nous écoutent dans la maison, peut-être moins.

Et puis, moi, je l’aime, mon violon.

Il sent bon.

Il est beau.

Il est vivant.

Il est rassurant.

Un vrai bonheur de le retrouver chaque jour.

 

 

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