Les lecteurs du Blog du Cuk sont, pour plus de la moitié d’entre eux, de provenance d’autres pays francophones que celui dans lequel je vis, la Suisse.
Mais ce dont je vais parler ici peut très bien vous intéresser, si vous êtes “d’ailleurs”, du moins je l’espère. Cela pourrait, entre autres choses, vous montrer comment fonctionne notre démocratie directe.
De plus, la problématique de l’impact des pesticides sur l’environnement et la santé ne touche pas que mon pays: elle est planétaire.
Le 13 juin, la Suisse devra voter sur deux initiatives issues des milieux écologistes.
La première est intitulée “pour une Suisse sans pesticides de synthèse” et la seconde “Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique“.
Le but n’est pas aujourd’hui de débattre de fond en comble sur ces initiatives populaires, j’y reviendrai dans des articles à venir.
Pour nos amis qui ne sont pas suisses dont je parlais plus haut, je rappelle au passage que les initiatives populaires dans notre pays (la Suisse donc) doivent recueillir 100’000 signatures certifiées en 18 mois puis elles doivent être validées pour passer en votation.
Une initiative sera acceptée et entrera en vigueur si une majorité des cantons et de la population du pays vote pour elle ce qui rend la chose très difficile.
Sur 463 initiatives lancées, 12 sont en attente de passage devant le peuple, 333 ont abouti (elles sont passées en votation), 100 ont été retirées et 22 seulement ont été acceptées depuis 1891.
Les deux initiatives dont il est question ici, je le dis tout net, je vais voter pour.
Nous allons avoir l’occasion d’en parler à plusieurs reprises jusqu’au 13 juin pour vous expliquer le pourquoi de ce vote.
Ces initiatives sont importantissimes et leur campagne est émotionnelle au possible.
Mon but n’est pas ici de tirer à boulets rouges sur les paysans suisses qui ne sont pas bios.
Mon but n’est pas de déclarer la guerre à ces gens qui n’ont appris, dans leurs écoles d’agriculture, que des principes liés à la productivité intensive.
Changer, c’est très dur pour eux, je le comprends bien, personne n’aime être remis en question dans son métier.
Il n’empêche que se battre contre ces initiatives c’est essayer de gagner du temps pour retarder l’inéluctable: la suppression tôt ou tard des pesticides de synthèse, entre autres choses, dans notre agriculture.
Lorsqu’on apprend que notre pays a perdu 70 à 80% de biodiversité dans nos campagnes, lorsqu’on constate que nos eaux contiennent bien plus de pesticides que ce que l’on pensait et cela sous forme de cocktails, voir les résultats des dernières recherches comme celle-ci, citée par 24 heures (malheureusement, cet article est réservé aux abonnés de ce journal, j’en reprends ici un extrait), on se dit qu’il n’est simplement pas possible de continuer ainsi:
Les résidus de pesticides et de médicaments n’épargnent aucune rivière du plateau suisse. Ces substances toxiques sont présentes dans des concentrations trop élevées par rapport à la loi, et ce dans toutes les stations de mesure du réseau de surveillance national.
C’est ce que montrent les données du premier monitoring à long terme, uniforme et national des micropolluants dans les eaux de surface (NAWA), qui a débuté en 2018.
Les résultats viennent d’être publiés dans la revue Aqua&Gas. On y apprend que les critères de qualité environnementale, fixés par l’Ordonnance sur la protection des eaux (OEaux), sont dépassés dans chacun des 18 cours d’eau étudiés.
24 Heures Fanny Giroud
Publié: 27.07.2020, 06h19
Ça, c’était pour mettre en place le sujet, encore une fois, nous reviendrons sur son fond ces prochaines semaines.
La question que je voudrais poser
Venons-en à ma question aux opposants, question qui en fait n’a pas grand-chose à voir avec le sujet des initiatives elles-mêmes.
Tous les matins et tous les soirs, je traverse, ces campagnes, au quotidien, en voiture ou en train (le plus possible, mais pas tellement ces temps à cause de la pandémie), et je suis frappé par des bâches (magnifiquement imprimées) solidement fixés sur des palettes, sur des façades, sur des bottes de paille, certains recouvrant l’entier d’un étage de hangar agricole.
Ces panneaux rouges avec pour slogan “2X NON aux initiatives trompeuses et dogmatiques” ont vampirisé par exemple le village où je vivais jusqu’à il y a dix ans.
Il est impossible de parcourir 300 mètres sans en croiser au moins un.
Et chaque jour, de nouvelles bâches sont installées, parfois à côté de gigantesques statues de paille érigées par les agriculteurs.
Tous ces messages ou presque jouent sur la peur de dépenser plus pour notre nourriture, donc principalement sur le porte-monnaie, et sur le risque de pénurie alimentaire en cas d’acceptation des initiatives, risquant selon eux d’amener des importations massives de produits peut-être pires que les nôtres dans notre beau pays, alors que l’inverse est justement inscrit en noir et blanc dans l’initiative “pour une Suisse sans pesticides de synthèse“.
Cette omniprésence est, à première vue, peut-être efficace, même si, personnellement, je comprends le message du panneau montré ci-dessus ainsi:
De même, nos journaux sont remplis d’encarts publicitaires contre ces initiatives, ou d’articles sponsorisés discrètement en pleine page dans le journal Le Matin Dimanche, par exemple.
Dans l’article ci-dessus, si l’on n’est pas attentif à la mention “Sponsorisé”, tout est repris comme si c’était Le Matin Dimanche qui publiait l’article qui, s’il ne parle pas directement des initiatives, tombe à pic pour montrer à quel point l’agriculture suisse est respectueuse de la nature.
Combien coûte une page de ce type?
La Confédération, sur son site, nous explique ceci:
Dans un journal local, les prix d’une annonce peuvent varier entre CHF 290 pour un seizième de page en noir et blanc dans La Gruyère et plus de CHF 23’500 pour une page entière en couleur dans 24 heures. Dans un magazine ou un quotidien suprarégional, une publicité coûte entre CHF 4’900 pour un cinquième de page dans Le Temps et plus de CHF 68’500 pour une page entière en couleur dans 20 minutes. Toutes les publications offrent des réductions si l’annonce est publiée plusieurs fois.
Le coût d’une campagne de publicité, site de la Confédération suisse, Le Matin Dimanche, il est clairement un hebdomadaire suprarégional, le prix de la page doit donc être de 68’500 francs.
Je sais à quel point une campagne politique peut être onéreuse pour des associations telles que celles qui ont lancé ces initiatives, associations qui n’ont que les dons pour faire ce qu’elles peuvent.
En ce qui concerne la campagne des opposants à ces initiatives, ces bannières, ces drapeaux, ces panneaux énormes pour certains, ces pages publicitaires dans les journaux, tout cela coûte énormément d’argent.
Plusieurs centaines de milliers de francs, et certainement bien plus.
Donc moi je me pose une question toute simple:
J’aimerais vraiment que des journalistes enquêtent sur la provenance du financement de cette campagne.
Je veux bien que l’Union Suisse des Paysans soit l’un des protagonistes, mais alors, cette association qui met en avant, à juste titre d’ailleurs, les énormes difficultés rencontrées par les paysans dans la gestion financière de leurs exploitations, cette USP donc doit avoir des réserves bigrement à la hauteur tout de même pour payer tout cela.
Alors comment fait-elle?
Parce que c’est tout de même avec l’argent de nos impôts (nos agriculteurs bénéficient et c’est tant mieux, de paiements directs de la Confédération) que ces associations sont en grande partie financées.
Ou alors…
Si ces associations l’étaient elles-mêmes par certains qui y trouvent des avantages encore bien plus importants que les sommes dépensées?
Je pense, vous l’avez compris, à ces entreprises qui produisent les pesticides de synthèse, ou les antibiotiques par exemple, qui sont juste un peu inquiètes de voir que, peut-être, un pays pourrait s’opposer à elles, et par là même, montrer l’exemple à d’autres?
Dites Mesdames et Messieurs les journalistes, qui s’y colle, à cette enquête?
Pour conclure sur la campagne elle-même
Une chose que les opposants aux initiatives ont peut-être sous-estimée, c’est qu’en général, les Suisses et les Suissesses détestent l’excès. Ces mêmes opposants jouent d’ailleurs sur cela en déclarant sur leurs panneaux que ces initiatives sont extrêmes.
Ces Suisses et ces Suissesses pourraient bien être agacés et agacées par cette répétition de ce message partout dans la nature, comme si cette dernière avait été colonisée par les opposants.
Et tout cas, moi, cette répétition me donne la nausée.
De mon côté, je ne vais pas rester inactif, et dans la mesure de mes maigres moyens, je vais faire tout ce que je peux pour soutenir ces initiatives.
En commençant par afficher deux panneaux invitant à voter Oui sur ma maison, d’ailleurs les deux seuls panneaux dans ce sens que j’ai vus pour le moment dans tout le canton de Vaud.
Et en poursuivant en ouvrant mon blog à cette campagne pour le OUI à ces deux initiatives.