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A propos de l’article de vendredi sur la paysannerie conventionnelle

Je me réveille ce matin, jour du Jeûne Fédéral, férié dans le canton de Vaud ainsi que dans une partie de la Suisse, et je lis ce commentaire très intéressant et circonstancié de Mirou en rapport avec mon article de vendredi sur la paysannerie “traditionnelle” que, très justement, un autre lecteur, Soheil, me demande d’appeler désormais “conventionnelle”, ce que je fais de ce pas, vous voyez un peu à quel point je peux faire preuve de souplesse.

La problématique que Mirou soulève est importante, raison pour laquelle je passe ledit commentaire, ainsi que ma réponse, en article complet.

Je viens de lire dans le Courrier une interview d’une des rédactrices du GIEC. Elle dit notamment qu’elle ne peut plus dormir sans somnifère à cause de l’angoisse. Et là, on ne parle que de climat… pas de la pollution des sols. Et donc la colère est totalement légitime. Nécessaire, même. Et bien plus légitime que l’apathie dans laquelle on se vautre. (Dans laquelle je suis moi-même vautré, écrivant ces lignes, sur un iPad presque neuf, en training de coton-certes-bio-mais-acheté-à-NYC-en-avion…)

Ce qui me questionne dans ton article – ce qui m’a questionné tout le week-end – ce n’est ni la colère elle-même (légitime, nécessaire), ni la source de cette rage (compréhensible, fondée sur les faits), mais sa destination.

Je n’ai pas vu le Temps Présent en question. Mais je me demande si adresser cette colère aux seuls paysans et paysannes, qui pour la plupart ne lèvent pas le nez de leurs vaches, de leurs charrues, et bien souvent de leur maigre comptabilité, ne prenant jamais un jour de congé, dont beaucoup trop finissent par abandonner, non pas leur métier, mais carrément leur vie tellement iels sont à bout, est bien raisonné.


Iels ont clairement une responsabilité, comme nous toutes et tous d’ailleurs.

C’est toute une chaîne de destinataires de notre colère qui doit être définie. La paysannerie, oui. Mais aussi les consommateurs et consommatrices. Et surtout, les personnes qui fabriquent et promeuvent les pesticides, et un système agricoles totalement débile et dévastateur.

C’est difficile de changer, mais c’est impossible si tout est fait pour nous en empêcher.

Mirou, un lecteur-commentateur fidèle que j’adore.

Mirou, sur le fond, tu as parfaitement raison.

Le système agricole est pourri, du haut en bas de l’échelle.

Madame K était l’autre jour au magasin.

Elle voit un couple se promener dans les rayons la femme prend une salade.

Son mari pousse un cri: NON, C’EST DU BIO!

Il y a du chemin à faire en effet.

Mirou, je suis le premier à voir et à comprendre les difficultés de l’agriculture, j’ai été Syndic avec des amis paysans dans ma Municipalité.

Oui c’est dur.

Au pire, ce que j’aurais attendu d’eux, c’est dire “je suis désolé, je sais que nous faisons de la merde avec la terre, mais je n’arrive pas à faire autrement, je suis démuni, la transition est tellement difficile…”.

Là, c’est tout le contraire: ils ont fait passer ceux qui dénoncent leur empoisonnement général de la terre, de l’eau et de l’air, et même de leur propre santé (regarde le Temps Présent, ce sont les premiers touchés) pour des menteurs, des destructeurs du pays.

Ils ont fait le travail des usines chimiques qui n’ont finalement pratiquement rien eu à faire (mis à part financer la campagne du non de ce début d’année, j’en reste persuadé), les petits soldats-paysans se chargeant de faire le nécessaire à leur place pour qu’elles puissent continuer à vendre et produire leurs poisons.

Il faut voir certains paysans vaudois avec leur arrogance: c’est Ma terre, c’est nous savons, les autres, ce sont des cons d’écolos arf arf arf.

C’est VOTRE terre?

Aucunement, vous n’avez pas le monopole de la terre, c’est la NÔTRE.

Soit les paysans conventionnels sont cyniques, soit ils sont complètement stupides.

Je penche pour la première hypothèse, les écoles de paysannerie étant depuis des années très poussées quelqu’un de stupide ne les réussit pas, n’arrive pas au bout de ses études.

Le paysan sait ce qu’il fait, donc il nous ment, comme les cigarettiers nous mentaient à l’époque.

Le pire, c’est que les initiatives voulaient les aider à faire une transition en 8 ans (pour la première) et 10 ans pour la seconde.

C’était justement l’occasion pour les premiers dont je parle dans ce commentaire, ceux qui sont démunis, de faire un passage en douceur. Ils ont pourtant, pour la plupart, voté non également et planté leurs immondes banderoles dans tous les champs.

Le pire du pire, c’est que les sondages et les études après-votation montrent que c’est l’immense implication des paysans suisses dans ces initiatives de juin qui a fait capoter la loi sur le CO2 proposée au peuple le même jour qui pouvait nous faire progresser.

Re arf arf arf, tant qu’on y est, on va leur montrer à ces cons d’écolos, que même cette loi (pourtant soutenue par tous les partis, sauf l’UDC bien évidemment!), on va la faire capoter.

Alors tu vois Mirou, oui, je suis en colère, et non, je n’ai plus aucune pitié pour eux, je parle bien sûr des paysans qui pratiquent l’agriculture conventionnelle.

Les autres sont, finalement, des héros.

Parce que je ne vous raconte pas les pressions qu’ils ont subies des autres paysans conventionnels, pendant toutes ces années où eux, les bios donc, tout seuls, criaient dans le désert.

Alors oui Mirou, c’est tout le système qu’il faut changer.

Mais ce sont les paysans conventionnels, ces derniers mois, qui sont les artisans du fait que ce ne sera pas pour tout de suite.

Image de couverture par Mylene2401 de Pixabay

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