Je sais bien, amis français, vous n’en pouvez plus de cette campagne, mais il faut tout de même que j’en parle ici, avec le recul d’une nuit.
Je voulais écrire quelque chose mercredi soir sur le coup des 23h30, mais il fallait laisser la pression redescendre pendant une nuit pour ne pas réagir sur l’émotion du moment.
Vous savez, les Suisses romands s’intéressent beaucoup à vos présidentielles.
Je connais peu de gens autour de moi qui n’ont pas regardé tout ou partie du débat d’entre deux tours de mercredi soir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
En ce qui me concerne, j’ai été tendu pendant tout le débat, regardant ma pendule (et non pas mon Apple Watch, tiens, c’est vrai au fait) toutes les 5 minutes comme lorsque je suis un match de foot en espérant qu’il se termine rapidement parce que j’ai peur.
Ce qui s’est passé est écœurant.
Ce que j’ai de la peine à comprendre, c’est que j’entends parfois dire dans l’après-débat que les deux protagonistes n’ont pas été à la hauteur.
Certes, tout le monde met en avant le fait que Mme Le Pen a été odieuse et qu’elle a été en grande partie responsable de cet énorme dérapage, ne respectant même pas les règles que son entourage avait âprement négociées avec celui d’Emmanuel Macron et la réalisation de l’émission.
Certes, au final, Emmanuel Macron l’emporte avec 64% dans un premier sondage.
J’ai tout de même entendu certains journalistes faire le reproche à M. Macron d’être parfois tombé dans le piège tendu par Mme Le Pen.
D’avoir été cassant, voire, par moments, professoral.
Mais comment voulez-vous qu’il en soit autrement?
Avez-vous une seule fois dans votre vie été soumis aux invectives constantes, à la destruction massive, au mensonge permanent, à la haine, pendant deux heures et trente minutes.
Comment auriez-vous réagi?
En ce qui me concerne, je n’aurais pas tenu plus d’un quart d’heure.
Lui est resté.
Mais qu’auraient voulu les journalistes?
Qu’il se laisse faire?
Qu’il tende l’autre joue?
Il est resté calme, il a répondu parfois avec ironie.
Il n’aurait pas dû?
Il aurait dû laisser les mensonges exploser sur lui les uns après les autres?
Lui a parlé de son projet, avec lequel je ne suis d’ailleurs pas forcément d’accord sur tout.
Il a réussi, entre deux dénégations nécessaires, à expliquer ce qu’il voulait faire.
J’aurais voulu entendre le projet de Marine Le Pen, auquel je n’adhère bien évidemment pas.
Mais écouter ce qu’elle avait à dire, n’est-ce pas le but d’un débat politique?
Pourtant, en dehors du dossier sécuritaire qu’elle maîtrise plutôt bien, puisque c’est son fonds de commerce, même si elle propose des solutions qui ne me conviennent pas, Marine Le Pen a couvert ses nombreuses incompétences, notamment dans les dossiers économiques, en attaquant en permanence sur la personne même de son contradicteur, pour que l’on ne puisse pas venir la questionner sur ce qu’elle ne savait pas, pour occuper le terrain et surtout qu’on ne la coince pas, ce qui est pourtant arrivé à de nombreuses reprises au cours du débat.
Cette femme a ricané sans-cesse.
Cette femme a invectivé sans-cesse.
Cette femme a méprisé son interlocuteur.
Cette femme a menti tout au long du débat.
Cette femme a montré qui elle était.
Si l’on avait un tout petit doute sur le fait que Marine Le Pen est encore ce qu’elle a toujours été, malgré ses tentatives de dédiaboliser le Front National et sa propre personne, eh bien il a été levé à la fin du débat.
Pire, il fallait la voir continuer ses mensonges devant les caméras, sur BFM TV, après ledit débat.
Elle semblait fière d’elle.
On ne sait pas s’il faut rire ou pleurer.
Amis français, je sais bien que cela s’appelle quelque peu de l’ingérence, mais à mon niveau, j’imagine que ce n’est pas trop grave, je vous en supplie: ce que Trump a réussi aux États Unis, en utilisant les mêmes méthodes que Mme Le Pen, faites tout ce que vous pouvez pour que ça n’arrive pas dimanche soir, chez vous.
Je comprends la colère des gens qui sont dans la mouise. Ils trouvent de mauvaises réponses dans la solution proposée par Mme Le Pen.
Ils iront voter pour elle, il faut faire avec, et espérer qu’un jour, le vent du mensonge permanent et de la haine ne soient qu’un mauvais souvenir.
Mais pour ceux qui n’ont pas voté pour elle au premier tour…
La question ne se pose même pas.
L’abstention et le vote blanc ne sont pas une réponse.
Et pour en revenir à ce triste spectacle de mercredi soir, je me pose une question: Jacques Chirac avait-il raison, en 2002, de refuser ce même débat d’entre deux tours face au patriarche?
On ne peut pas discuter avec un interlocuteur (dans le cas présent une interlocutrice) qui vous attaque sur votre personne en permanence (tiens, au fait, j’ai même lu quelque part un journaliste dire que Mme Le Pen était courageuse: parce qu’il faut être courageux pour mentir et vomir sur l’autre en permanence?), on ne peut pas débattre avec une interlocutrice qui ne respecte rien, ni les règles, ni les journalistes, ni celui qu’elle a en face d’elle.
Mais que pouvait faire Emmanuel Macron?
Que n’aurait-on pas dit s’il s’était désisté sur les réseaux sociaux?
Il n’a pas 82 % d’intentions de vote, comme l’avait Jacques Chirac.
Il n’a pas avec lui un Front républicain pour faire barrage à l’extrême droite, même si j’admire autant certains politiques de gauche que de droite d’avoir immédiatement appelé à voter pour le candidat d’En Marche.
La démocratie est tombée, hier, dans le piège de cette même extrême droite, la France n’a pas eu droit à ce qui lui était pourtant dû: un débat, un vrai, peut-être musclé, mais avec un présentation de ce que chacun a à proposer.
L’un a tenté de le faire, avec une certaine classe malgré ce que certains lui reprochent parfois, l’autre n’a fait que détruire par le mensonge.
Dimanche, allez voter.