En ce lundi, je vous propose d’écouter deux albums bien différents, puisque de deux genres éloignés de presque 3 siècles dans leur composition.
Juste pour préciser les choses par rapport à ces articles de la catégorie Les écoutes du Cuk: pendant plus de 40 ans, je n’ai écouté que de la chanson française et quelques groupes anglo-saxons. J’ai été fan de Peter Gabriel, des Pink Floyd et de Genesis, des Beatles, entre 16 et 25 ans, mais dans le même temps, et surtout plus tard, je préférais écouter Nougaro, Véronique Sanson, Bécaud, Brel, Marie-Paule Belle, Isabelle Mayereau, Bernard Lavilliers. Étonnamment moins Brassens et Ferré, mais bon…
Pendant ma jeunesse, je n’écoutais pas trop de musique classique sur ma platine, alors que la maison résonnait pourtant d’elle, ma maman n’écoutant pratiquement que cela, mais j’en prenais conscience à travers mon violon en jouant, entre autres choses, dans l’orchestre des collèges lausannois.
Depuis quelques années, j’écoute à 90 % de la musique classique, la seule qui me permette de travailler, qui me calme un peu dans la vie.
Je l’écoute en permanence au travail (il ne me viendrait pas à l’idée d’écouter autre chose), j’ai la chance d’avoir un bureau où je suis seul et dans lequel je ne dérange personne.
Je l’impose un peu à la maison: les enfants s’en sont fait une raison, lorsqu’ils veulent écouter leurs musiques ils l’écoutent au casque. Le reste du temps, ils écoutent de la musique classique sans s’en rendre compte, et je suis persuadé que ça leur forme l’oreille.
Madame K apprécie, même si je sais qu’elle écouterait aussi de temps en temps autre chose, elle me l’a dit ce matin à l’écoute de London Grammar, dont je vous parle plus loin.
Cela dit, j’ai écrit plus haut que j’écoutais 90 % de musique classique: cela signifie en gros 100 % au travail donc, et 80 % à la maison.
Les 20 % restant, c’est pour écouter les nouveautés du vendredi (je le fais le samedi) qui sortent sur Qobuz. J’adore ce moment, découvrir des nouveautés.
Et parfois, je croche sur des albums exceptionnels… qui ne sont pas de la musique classique, par exemple Camille dont je vous ai parlé plus tôt. Bon, là, j’attendais son album depuis longtemps, mais parfois, je tombe sur des albums un peu par hasard, comme celui de London Grammar justement.
Je voudrais encore juste ajouter que je n’ai jamais encore ici osé parler d’un album classique. Lorsque je vois les critiques de gars comme les journalistes de Diapason ou de Classica (des journaux juste passionnants et magnifiques cela dit!), je me dis que je ne suis qu’un tout petit machin qui n’arrive même pas à leur cheville. Lorsque vous lisez «?Untel a montré à la mesure 23 du premier mouvement un vibrato manquant cruellement de sensibilité?», je me sens tout petit, que voulez-vous.
Cela dit, mais vous le savez bien, depuis tant d’années, ce qui caractérise mes modestes tests, critiques, articles en général, ce n’est pas tellement le décorticage technique. La technique pure, ouvrir le moteur, mettre les mains dans le cambouis, sortir des chiffres et des statistiques, ça n’a jamais été mon truc, sauf à la lecture des articles de ToTheEnd à l’époque sur Cuk (tu vas bien TTE?).
J’ai toujours essayé de dire simplement l’émotion que l’on pouvait ressentir à l’utilisation d’un programme, à la lecture d’un livre, à l’écoute d’un album.
Alors merde que diantre, après tout, je me lance aussi, pour le deuxième album traité ici.
Mais commençons par le premier:
London Grammar: Truth is a beautiful thing
Par London Grammar, paru chez Because Music le 9 juin 2017
London Grammar, trio londonien, je connaissais un peu à travers ses leur premier album If You Wait qui avait bien marché en 2013, notamment grâce à Wasting My Young Years.
Leur nouvel album, Truth is a beautiful thing, ne casse pas complètement le style qui a fait leur succès.
Il peut être à la fois planant, envoûtant, puissant dans certains morceaux.
La voix de Hannah Reid absolument incroyable en est pour quelque chose, mais la musique, les mélodies sont magnifiques.
Le premier morceau Rooting for You vous interpelle immédiatement. Certaines nappes un peu pinkfloydiennes, pas seulement dans le premier morceau d’ailleurs, où la voix serait un peu la guitare de David Gilmour, vous stoppent net: vous devez vous asseoir, et écouter la chose. Et puis, ce premier morceau prend son temps pour poser l’album. C’est à vous de rester, si vous partez, tant pis, mais… vous ne partirez pas.
La voix, pour en revenir à elle, est assez fascinante: à la fois chaude dans les graves, limpide lorsqu’elle monte et traverse trois octaves avec une facilité déconcertante. Mais nous ne sommes pas à The Voice: c’est une voix incroyablement maîtrisée, qui ne pousse jamais, Hannah n’est pas là pour nous en mettre plein la figure, tout semble si facile, au service de leur musique. Allez écouter la piste 3 et laissez-la aller un peu, vous verrez ou plutôt entendrez ce que je veux dire ou plutôt écrire.
Et puis il y a un peu d’électro qui arrive dans quelques morceaux, ce qui pourrait me faire craindre le pire (j’ai commencé à comprendre un peu cette musique et même à admettre que c’en était une il y a peu), notamment à la piste 7, Non Rooting for You: après une intro assez douce, le son devient dense (dans le très bon sens du terme) avec cette voix qui navigue magnifiquement sur cette rythmique lourde. Et que c’est beau, tout ça!
Allez hop, j’ai écouté dans la foulée le premier album, If You Wait, et c’est magnifique aussi.
L’autre album dont je veux vous parler est… très différent.
Le 5 mai 2017, est sorti un très beau disque (on va continuer comme ça aussi à appeler les fichiers Hi-Res et en général la musique, d’accord?) d’un compositeur très peu connu à notre époque et qui pourtant avait rencontré un très beau succès de son vivant: Jean-Marie Leclair (1697-1764).
Un être d’ailleurs assez complet puisqu’il a d’abord été reconnu comme danseur, puis comme l’un des meilleurs violonistes de son époque (avec un Stradivarius qui porte maintenant son nom) avant de l’être pour ses compositions.
Leclair est reconnu pour avoir, après avoir beaucoup voyagé notamment en Hollande et en Italie, ramené dans la musique française d’alors des influences italiennes, notamment celles d’Antonio Vivaldi.
Fabio Biondi, un des meilleurs violonistes actuels, spécialiste s’il en est de la musique baroque et son ensemble Europa Galante lui rendent honneur dans cet album, reprenant ses concertos Opus 7 pour violon, écrits en 1733, alors que Leclair était ordinaire de la musique au service de Louis XV.
Dès les premières notes du premier mouvement du concerto no 3 en Do majeur, on est transporté à Versailles dans ses salons, et on imagine la cour, les concerts, l’apparat et tout ce qui va avec.
On est dans un autre monde.
Et Fabio Biondi joue ces concertos avec une fluidité (vient-elle de l’archet ancien avec lequel il joue, très différent des archets modernes, vous le verrez sur les petits films qui suivent), comme une sorte d’eau sauvage qui coule en y alliant présence et expression. Oui, cette fluidité est une marque de ce violoniste, dont j’ai écouté plusieurs autres interprétations suite à cette découverte.
J’adore ces formations réduites. Belle interprétation brillante et musclée des 4 saisons.
La prise de son est elle aussi excellente, faisant ressortir sans la moindre agressivité toutes les nuances de l’œuvre, de ces cordes si difficilement enregistrables pourtant (tellement de disques classiques sont encore nasillards alors qu’ils sortent à notre époque).
Un beau compositeur, un superbe violoniste et une formation qui l’est tout autant, que demander de plus?
On part en voyage avec eux avec un plaisir non dissimulé.
Je vous souhaite à toutes et tous une excellente semaine et de belles écoutes, que ce soient celles que je vous propose, ou d’autres, du moment qu’elles vous font plaisir.