J’aimerais vous parler d’émotion ici.
Pas trop de technique.
Cette émotion que j’ai ressentie un de ces derniers samedis, lorsque je suis entré à l’Âge du Soft, au premier étage, là où se trouve l’auditorium de ce magasin dédié, au rez, à l’informatique autour du Macintosh, et, juste au-dessus, à tout ce qui touche le beau son.
Mais remettons les choses en situation.
L’Âge du Soft, à Morges, est un magasin tenu par Vincent Mury et sa femme Anouk, avec une équipe assez formidable soudée depuis des années et des années, serviable et compétente.
Non non, je ne suis pas sponsorisé par ce magasin, n’y ai aucun prix spécial,
Vincent, je vous en reparlerai un jour, est un gars incroyable, toujours coiffé de son tricorne, un musicien, passionné d’art, immense spécialiste des bases de données (il m’en a montré des incroyables, en matière d’audio, ou d’histoire de l’art) et passionné du son, avec une faculté assez impressionnante de pouvoir expliquer les émotions et pourquoi on les ressent.
Mais j’y reviendrai, au bonhomme, parce que j’aimerais bien lui faire écrire deux ou trois petites choses qu’il m’a dites sur la musique classique, qui pourraient bien me faire revoir toutes mes bases durement acquises.
Le responsable audio, en dehors de Vincent, c’est Monsieur Stéphane Aubert, lui-même passionné et musicien avec qui j’entretiens de très bons rapports en matière de musique, mais pas seulement.
Le décor est planté?
Un de ces derniers samedis donc, j’arrive à l’Âge du Soft, je monte à l’étage et tombe sur Vincent Mury en train de terminer la préparation d’une écoute pour l’un de ses clients qui allait arriver une bonne demi-heure plus tard.
Je constate qu’il avait préparé ladite écoute avec le matériel suivant:
Préamplificateur à tubes: Nagra Classic Preamp.
Amplificateur: Amplificateur de puissance stéréo à transistors Nagra CLASSIC AMP 2 x 100w rms.
Du très beau matériel donc.
Pour votre information, l’électronique, sans les enceintes, n’est pas donnée, chez Nagra:
- 17’000 € pour le préampli
- 16’000 € pour l’ampli
- 27’000 € pour le DAC
Total: 60’000 € soit environ 70’000 francs suisses.
Somme à laquelle vous rajoutez les 10’000 francs (8’500 €) des enceintes Jean Maurer, les câbles qui doivent suivre, le meuble antivibrations et j’en passe.
Bref, une chaîne certainement pas très loin des 90’000 francs suisses ou 80’000 €.
C’est donc du lourd.
Au propre comme au figuré, d’ailleurs.
Vincent Mury, comme il avait un peu de temps avant l’arrivée du client, me demande de m’asseoir et d’écouter.
D’abord, ce disque.
Musica Nuda: Quam Dilecta, malheureusement, cet album est introuvable sur Qobuz ou sur Apple Music. D’autres albums signés des mêmes artistes sont tout aussi impressionnants.
Une basse, une voix, une prise de son divine, je vous recommande, c’est assez incroyable.
Le son restitué est d’une précision, d’une présence, et d’une ampleur tout simplement époustouflante. Et pourtant, je suis habitué à du bon à la maison.
J’en ai encore des frissons quand j’y pense.
Et puis, Vincent a passé un album passionnant que je connais bien dédié à Jean Barrière:
D’abord, la pièce 13 du disque, à savoir La Boucon, pour clavecin.
En général, cet instrument me crispe (ben oui, c’est comme ça, j’aimerais adorer, mais il me crispe), et là… Comment vous dire? Une déferlante de sons et un clavecin comme il me semble n’en avoir jamais entendu.
Là aussi, des frissons rien que d’y penser.
Vincent m’explique avec la poésie qui le caractérise que l’on entend la veine tendre du bois de la table, ce rapport au bois souvent absent et des rendus de cet instrument.
Merci et bravo à Bertrand Cuiller pour cette interprétation magistrale.
Suit une écoute, sur le même album, de la piste 3, une sonate pour violoncelle avec la basse continue, simplement à tomber par terre. Interprétation magistrale de Bruno Cocset, Emmanuel Jacques & Richard Myron
Chaque vibration de la corde, chaque crin de l’archet, chaque grain de colophane nous est restitué.
C’est d’une beauté renversante.
L’œuvre d’abord, bien sûr, l’interprétation des musiciens évidemment, mais aussi le travail des ingénieurs pour la prise de son, et au final le rendu de cette chaîne d’appareils et d’enceintes, puis encore la disposition pour l’écoute de ce matériel, tout cet ensemble est simplement magique.
Mais une fois redescendu sur terre, je me suis tout de même posé la question qui fâche: dépenser 90’000 francs pour un ensemble Hi-fi, n’est-ce pas de la folie?
Les passionnés qui peuvent se payer ce genre de système ne se posent certainement pas trop la question, et après réflexion, je les comprends tout à fait (ce qui ne m’étonne pas après avoir pris un peu de recul sur moi-même). Si je peux, je me paie cette émotion sur le long terme, voilà ce qu’ils se disent.
Dans le même temps, ils font travailler des entreprises, des ingénieurs, des artisans d’une minutie extrême.
Quant à moi, ayant les mêmes enceintes que celles écoutées ce samedi, les 370E de Jean Maurer, testées ici, un ampli formidable testé ici, je pense que la différence que j’ai ressentie à l’écoute vient certainement en très grande partie de la différence de DAC entre le Cambridge testé ici, excellent, mais tout de même dans un autre monde que ce que propose Nagra.
Il m’intéresserait d’écouter chez moi mon extraordinaire JH 32 qui, rappelons-le, a été élu Too Much Bô tous matériels confondus de l’année 2017 ici et mes enceintes tous deux signés Jean Maurer, mais avec le DAC Nagra.
Cela dit il ne vaut mieux pas, je me ferais du mal.
27’000 € pour ce convertisseur, c’est tout de même très largement au-dessus de mes moyens.
Mais tout de même, quel beau moment j’ai passé à Morges ce samedi-là!