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Un histoire d’archet qui me rend un peu triste…

Merci de prendre cet article en tenant compte de l’article paru le lendemain, qui remet bien évidemment complètement en cause tout ce qui est écrit ici.

Ah la la, les retournements de situation, c’est quelque chose, des fois…

Une histoire en deux temps, donc…

J’ai bien hésité à écrire cet article parce que certains musiciens que je n’ai côtoyés qu’un soir pourraient mal le prendre, alors que bien évidemment, je ne vise personne directement. Je suis juste surpris et triste de l’état d’esprit d’un individu parmi d’autres, que je ne connais pas, mais qui me déçoit énormément malgré tout.

Je vous ai raconté il y a quelque temps ma tentative avortée de participer à un orchestre symphonique amateur à Genève.

J’avais passablement investi pour ma première répétition, certainement trop d’ailleurs puisque je passais plusieurs heures par jour à travailler ma partition et je me suis alors rendu compte que ledit investissement allait devenir la règle à chaque nouveau répertoire, avec les trajets en plus, ce qui était au mieux trop difficile pour moi, au pire, carrément impossible à moins de faire une casse au bout de quelques semaines.

Mais de tout ça, nous en avons donc déjà parlé ici.

Ce que vous ne savez pas, c’est ce qui s’est passé depuis.

Lorsque j’ai pris ma décision d’arrêter, je venais de stresser pendant des semaines pour cette partition, raison pour laquelle j’ai lâché prise et j’ai laissé mon violon dans son étui quatre jours, en culpabilisant un max d’ailleurs.

J’ai rejoué juste une fois avant de partir en cours, et j’ai bien remarqué quelque chose d’étrange, une sorte d’énorme perte de vivacité que j’ai mise sur le compte de l’arrêt prolongé évoqué plus haut. Quelques vibrations aussi dans l’archet, pas comme d’habitude.

À mon cours, idem, mais dans une discussion que j’ai eue avec ma prof la semaine suivante, j’ai appris qu’elle avait bien remarqué qu’il y avait quelques tremblements dans mes déliés d’archet qui n’avaient plus tellement cours avant, mais elle ne m’a rien dit parce qu’elle se rendait compte que je venais de sortir d’un petit échec, et qu’elle ne voulait pas en rajouter une couche.

C’est quand j’ai mis mon violon sur son support, le lendemain que je me suis rendu compte que ce n’était pas mon archet, que je remettais en place.

J’ai vite téléphoné à ma prof pour lui demander s’il y avait eu échange, ce qui n’était pas le cas. Je précise que je suis des cours privés et qu’il n’y a aucun archet autre que le sien pour pouvoir permuter sans le vouloir.

La seule fois où j’ai croisé un musicien pendant quelques semaines, c’était bien à cette répétition d’orchestre.

J’ai bien réfléchi depuis, il n’y a aucune autre explication possible, c’est là que l’échange s’est produit. Il y a eu une bonne vingtaine de minutes avant la répétition, et au moins le même temps à la pause pendant lequel mon violon était dans son étui ouvert, sur un piano.

Le lendemain, un jeudi, jour de répétition de l’orchestre, j’ai téléphoné à la responsable de l’orchestre pour lui dire qu’il y avait certainement eu un échange malheureux, que j’étais désolé de la déranger pour cela, mais que je lui demandais de faire une annonce aux musiciens le soir même si elle le voulait bien, ce qu’elle accepté de faire avec grande gentillesse, me promettant de me rappeler le lendemain pour me dire ce qu’il en était.

Une semaine après, je n’avais aucune nouvelle, même simplement pour me dire que personne ne s’était annoncé, ce que je trouve déjà un tout petit peu triste, mais bon, passons, tout le monde est surchargé à notre époque, je n’avais qu’à faire attention ce fameux jeudi soir, à la limite, je n’avais pas à me plaindre.

J’en viens à l’archet.

Vous ne le savez peut-être pas, mais ces archets de violon, vous en trouvez à des prix allant d’une vingtaine (oui oui) à plus d’un million de francs ou d’euros.

Les archets bas de gamme sont fabriqués dans des usines allemandes ou chinoises, les autres sont construits par des archetiers ou par des luthiers, entièrement à la main.

Le mien était un archet que j’avais acheté 4’000 francs il y a 35 ans, et que j’ai un peu bêtement assuré pour cette valeur, alors qu’il en avait certainement pris (de la valeur donc) dans l’intervalle. Il s’agissait d’un archet monté or, ce qui est signe que l’archetier est satisfait de son travail et plaque le bouton et la virole dans ce métal; la poucette est dans ce cas souvent en fil d’or, ce qui était le cas du mien au départ, la poucette ayant été remplacée après avoir lâché par un cuir de crocodile (oui c’est mal, je sais) magnifique.

Image empruntée au site 3DVarius

Il se trouve que l’archet que j’avais dans mon étui en contrepartie était un archet qui valait, selon mon luthier… rien.

Le bas de gamme du bas de gamme.

Celui qui a échangé avec moi a fait, nous allons dire, une très bonne affaire.

Alors d’accord, je veux bien que l’échange se soit fait par erreur, même si j’ai quelques doutes: comment se ferait-il qu’un musicien tout de même d’un certain niveau puisqu’étant dans cet orchestre, joue avec un archet si mauvais?

Mais même dans ce cas, surtout après que la responsable a demandé aux musiciens si quelqu’un avait fait une erreur, il est clair que l’on ne pouvait pas ne pas se rendre compte de l’échange.

Bref, involontaire ou pas au départ, la permutation est pour moi devenue un vol.

Bien évidemment, je trouve cela regrettable et j’ai même de la peine à me dire que la chose est bien vraie.

Ce que je regrette aussi, c’est que j’ai écrit un mail expliquant la chose et mon désarroi il y a maintenant un bon mois à la responsable de l’orchestre, je n’ai eu aucune réponse.

Je ne vous raconte pas ma déception…

En conclusion

Visiblement, même dans le monde de la musique qui devrait idéalement être tout beau et tout plein de vraie relation humaine, ce genre de choses peut arriver, et ça me désole, en premier lieu parce que j’ai perdu une sorte de copain de trente-cinq ans que j’avais payé mensuellement pendant deux ans à l’époque et que j’aimais beaucoup.

J’ai été remboursé de mon archet dans la minute par mon assurance puisque j’avais assuré l’archet et le violon comme objet précieux, assurance (La Mobilière) que je remercie chaleureusement pour sa célérité, toujours aussi à l’écoute de ses clients.

J’ai pu essayer cinq archets à la maison (merci Sébastien Lavielle, à Lausanne) pendant une semaine, faire des tests d’écoute à l’aveugle avec ma prof dans les deux sens, et nous sommes tombés les deux d’accord, sans qu’elle le sache, sur le plus cher de la bande qui, bien évidemment, parce que ça aurait été trop simple sinon, dépassait de 30 % le prix de l’archet « perdu ».

Bon, j’ai eu de la chance que on luthier soit compréhensif, je ne m’en suis finalement pas si mal sorti avec un archet pile-poil de 60 grammes, donc idéal (mon vieux copain avait le défaut d’être un tout petit peu lourd, il pesait 67 grammes), nerveux, agréable, fabriqué par un archetier italien contemporain (Emilio Slaviero, de Crémone, la ville du violon) qui l’a construit l’année passée.

L’atelier d’Emilio Slaviero, décidément, j’adore ces endroits!

Musicalement, je suis donc content.

Humainement, un peu moins…

Rappel: merci de prendre cet article en tenant compte de l’article paru le lendemain, qui remet bien évidemment complètement en cause tout ce qui est écrit ici.

Ah la la, les retournements de situation, c’est quelque chose, des fois…

Une histoire en deux temps, donc…

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