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À contresens, le film qui réhabilite la voiture électrique face à l’intox

Depuis que j’ai acheté une Renault Zoé, qu’est-ce que je n’ai pas entendu l’Argument Suprême (oui, avec un grand A et un grand S) à savoir que certes, je n’émettais pas de CO2 en roulant, mais que ma voiture avait pollué lors de sa construction et allait polluer lors de sa destruction immensément plus que si j’avais acheté une voiture thermique.

Et que d’autre part, même en roulant, selon les pays, la voiture électrique pollue plus qu’une voiture à essence ou diesel puisque l’électricité serait produite par des usines alimentées par du charbon.

Moi-même, j’ai souvent mis en avant auprès de mes connaissances, il y a quelques années, l’étude financée par General Motors qui prétend qu’une Toyota Prius (l’une des premières hybrides) est bien plus polluante qu’un Hummer, l’un de leurs monstrueux véhicules, consommant 22 litres au cent en moyenne et rejetant 432 g de CO2 au km, étude de 500 pages tout de même qui s’est révélée au final totalement fausse et trafiquée par le constructeur, General Motors donc.

Comme je l’ai écrit il y a quelques semaines, c’est l’étude de l’indépendant et célèbre Institut Paul Scherrer prouvant qu’en Suisse en tout cas, ma Zoé allait polluer immensément moins depuis sa conception jusqu’à son recyclage que mon ancienne (mais récente) SEAT Ibiza, qui a poussé ma décision de passer à la voiture électrique.

Pour rappel, le calcul disponible sur le site du TCS avec n’importe quel véhicule du marché

Pourquoi tant d’agressivité face à la voiture électrique?

La voiture électrique dérange.

Elle dérange d’abord ceux qui ne veulent pas changer pour une raison qui leur est propre, et qui trouvent tous les arguments du monde pour ne pas faire le pas vers cette nouvelle mobilité.

Elle dérange bien évidemment les fabricants qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour mettre les bâtons dans les roues de cette technologie, même si maintenant, ils commencent à retourner leur veste.

Il n’empêche, le groupe Stellantis (groupe PSA et Fiat Chrysler), pour ne prendre que lui, est très en retard par rapport à Tesla, tellement persuadé jusqu’au Dieselgate que seul le gasoil était la solution. Son patron, Carlos Tavares, jusqu’à il y a peu, clamait haut et fort que la voiture électrique à batterie était aussi mauvaise pour l’environnement que la voiture thermique.

Le scandale du Dieselgate qui a éclaboussé tout le groupe VW, bien sûr, mais aussi Peugeot et Renault (entre autres) a heureusement forcé ces fabricants à sortir de la philosophie du “diesel sinon rien” (ou presque), poussés qu’ils ont été par la chute des ventes des véhicules propulsés par cette motorisation un peu partout en Europe de l’ouest, même en France.

Poussés qu’ils ont été également par la menace d’amendes records en cas de dépassements des quotas autorisés de rejets de CO2 pour leur gamme de véhicules.

La voiture électrique dérange(ait) donc les constructeurs, mais également, bien évidemment, les pétroliers, qui n’ont pas hésité à commanditer des études mettant en avant nombre de fake news bien ancrées maintenant dans nos esprits.

Pétroliers qui n’avaient pas besoin d’aller chercher bien loin comment faire, puisqu’il leur suffisait de reprendre les méthodes des bandits de l’industrie du tabac qui ont tout fait pour que l’on ne puisse pas faire de corrélation entre le tabac et les maladies pulmonaires pendant tant d’années, à force d’études truquées et mensongères.

Que les choses soient claires: je ne prétends nullement que la voiture électrique n’a aucun impact sur l’environnement, je ne suis pas naïf. Mais lui attribuer tous les maux est certainement une erreur et souvent une manipulation de milieux qui n’ont pas avantage à voir les choses évoluer.

Un film suisse pour savoir ce qu’il en est

Quelque peu secoués par toutes ces informations contradictoires sur le Net, mais majoritairement défavorables à la mobilité électrique, l’ingénieur expert en mobilité douce Marc Muller et le journaliste Jonas Schneiter de la RTS se sont lancés dans une enquête de longue haleine pour savoir ce qu’il en était réellement des critiques environnementales et sociétales portées contre la voiture électrique.

Leur résultat est démontré dans un film de presque d’1 heure et 34 minutes: À contresens.

Bande-annonce du film “À contresens”

La voiture électrique est au cœur d’une guerre de l’information. Créer ou diffuser des fake news permet à de nombreux lobbies ou groupes d’intérêts de ralentir des lois ou gagner du temps. Ce documentaire reprend une à une les informations diffusées dans les médias, enquête sur le terrain pour les confirmer ou les infirmer et part à la recherche de ceux qui manipulent l’information.

Site du film A contresens

Nos compères décident de démonter une voiture électrique et une voiture thermique pour comparer les matières qu’on y trouve.

On se demande toujours ce qu’il en est des matières que l’on trouve dans une voiture électrique, bizarrement, on se pose nettement moins la question en ce qui concerne les voitures thermiques.

Marc Muller, dans À contresens

De plus, ils partent sur une enquête d’un an et vont traiter des points suivants:

Image du film “À contresens”

L’enquête commence par une visite de Guillaume Pitron, grand pourfendeur de la voiture électrique qui dénonce les immenses pollutions dont elle serait responsable.

Les auteurs du film sont à l’écoute, mais constatent pour commencer une erreur communément faite dans la presse entre métaux rares et terres rares que fait Pitron lui-même.

L’extraction du cobalt est-elle vectrice de travail des enfants?

Mais peu importe cette confusion, Marc Muller part en RDC (République démocratique du Congo) pour savoir ce qu’il en est de l’extraction du cobalt puisque c’est dans ce pays que l’on trouve les plus grands gisements de ce métal. Le but est de savoir ce qu’il en est notamment en matière de travail des enfants dans les mines, travail mis en avant par ceux qui critiquent la voiture électrique.

L’ingénieur ne se contente pas d’interviewer des responsables congolais, des entrepreneurs, mais il s’entretient également avec des responsables d’ONG attentives à la situation sociale des “creuseurs” travaillant dans les mines de cobalt.

Il en ressort, après enquête, que 80% des mines industrielles payent les ouvriers qui y travaillent entre 1’900 et 2’000 $ par mois, ce qui est bien plus que le salaire moyen dans le pays.

20% sont des mines artisanales pour moitié officielles et autorisées, et ne posent également pas de problème au niveau social semble-t-il.

Reste 10% de mines artisanales sauvages, dans lesquelles, il est vrai, les droits sociaux ne sont pas respectés et dans lesquelles des enfants travaillent, ce qui est bien évidemment insupportable.

Il semblerait que la RDC essaie d’intervenir pour régulariser ces mines ou les interdire, notamment en créant des sites de négoces officiels permettant un traçage correct du cobalt vendu, en supprimant parallèlement les ventes sauvages, mais comme dans toute activité humaine, il est difficile d’empêcher des bandits et des mafias de ne pas respecter les droits humains et les lois.

Entrée d’une mine artisanale officielle sous la responsabilité d’une coopérative minière: accès interdit à l’alcool, aux femmes enceintes et aux enfants.

Sur ce problème du cobalt, la conclusion est claire: oui, il y a un problème d’exploitation des enfants qui est indéniable, mais qui ne reflète pas la réalité de 90% de mines où rien d’illégal ne se passe.

Comme l’explique le responsable d’ONG, il ne sert à rien de stigmatiser avec des images souvent (mais pas toujours) importées d’ailleurs, il vaudrait mieux faire des propositions constructives.

Cela étant, il reste également les problèmes d’ouvriers qui ne sont pas payés par certaines entreprises lorsqu’ils sont malades ou quand ils prennent un jour de congé, mais c’est le cas dans bien d’autres domaines même si cela reste totalement anormal.

Il faut y travailler pour corriger encore et toujours les conditions des travailleurs, mais stigmatiser la voiture électrique à cause du travail des enfants (sans compter que le cobalt est utilisé dans d’innombrables autres produits que cette dernière) est une désinformation évidente selon les auteurs du film.

Terres rares ou pas terres rares dans la voiture électrique… et dans la voiture thermique

Une des grandes critiques que l’on peut faire aux automobiles électriques c’est le fait qu’elles utilisent des terres rares utilisées dans les moteurs électriques.

Au moment du reportage sorti en novembre 2020, sur 7 modèles, les plus vendus, 3 l’étaient sans terres rares, parce que dotées de moteurs asynchrones, comme la Renault Zoé don j’ai fait l’acquisition, 4 l’étaient avec.

Cela étant, il faut bien admettre que les nouveaux moteurs semblent se diriger vers l’utilisation d’aimants permanents, donc, l’utilisation des terres rares (qui ne le sont pas) sera, semble-t-il, de plus en plus fréquente dans les modèles à venir.

De là à tirer sur la voiture électrique dans son ensemble, il y a en tout cas une erreur crasse.

Surtout qu’après démontage des deux véhicules (rappelez-vous, Marc Muller a participé au démontage d’un véhicule thermique et d’un véhicule électrique, une Renault Zoé), il ressort de l’étude de la HES-SO de Sierre que dans un catalyseur (voiture thermique, vous l’aurez bien compris), il y a de nombreux métaux, ce qui ne pose pas de problème, mais notamment une couche d’oxyde de cérium qui est lui-même une terre rare.

On peut donc se trouver dans le cas d’une voiture thermique qui contient une terre rare, et une voiture électrique qui n’en contient pas, la Zoé.

Image du film À Contresens

Quant au Néodyme, qui est une terre rare et qui compose en effet en partie les moteurs à aimant permanent et qui pose réellement semble-t-il un problème de pollution, on en retrouve, et on oublie de le dire, dans énormément de composants de moteurs électriques, comme ceux qui permettent de motoriser les lève-vitres de nos voitures thermiques, et électriques.

Cela étant, je le répète, une voiture à moteur asynchrone, comme la Renault Zoé en contient peut-être comme les autres dans ses lève-vitres, mais pas dans son moteur, et voyez-vous, j’en suis très heureux.

La problématique du lithium

Le lithium n’est pas une terre rare, il n’empêche que son extraction semblerait poser problème selon de nombreux articles, notamment en Bolivie avec une diminution relativement récente et régulière du nombre de flamants roses.

Du coup, Marc Muller s’est rendu sur place, pour en savoir plus, mais pas vraiment en Bolivie, mais au nord du Chili (sur les conseils d’un spécialiste de la question), au Salar d’Atacama.

Pour information, le plus gros producteur de lithium est l’Australie, avec extraction traditionnelle du produit dans la roche, pas vraiment écologique, comme toutes les carrières, mais qui ne touche aucunement les flamants roses.

Image du film À Contresens

Je vous passe les différentes interviews, toujours basées sur des responsables gouvernementaux, des journalistes, des représentants des mines et des OMG.

Il ressort que la situation n’est pas simple, qu’il faut bien évidemment surveiller encore et encore ce que fait le gouvernement chilien des taxes perçues sur le lithium tout comme les pratiques des extracteurs de la saumure tirée de la cuvette du Solar Atacama, mais que pour l’instant, personne ne peut prétendre après étude que l’extraction de ladite saumure est directement connectée aux bassins des flamants roses et que c’est elle qui est responsable de leur lente diminution depuis quelques années.

Le responsable de l’ONG qui surveille la chose n’a jamais pu porter plainte contre l’extracteur, parce qu’elle n’a aucune preuve de cette relation de cause à effet, cette diminution pouvant être également attribuée à bien d’autres causes, notamment celle du réchauffement climatique contre lequel la voiture électrique est elle-même une des nombreuses solutions.

Bref, dans cette usine chilienne qu’a visitée Marc Muller et qui produit à elle seule 20% du lithium mondial, ce dernier n’est de toute manière tiré que des déchets du potassium qui est la principale ressource de l’endroit.

Qui plus est, le lithium mondial est utilisé à 50% dans les batteries, mais nous parlons bien évidemment de toutes les batteries, et pas uniquement de celles qui sont destinées aux véhicules électriques qui n’en représentent, pour l’instant, qu’une petite partie.

Le recyclage des batteries de voitures électriques est-il vraiment un problème?

Une batterie est prévue pour un bon millier de recharges complètes, ce qui représente selon un responsable du site Leclanché environ 300’000 kilomètres, tenant compte qu’on ne fait jamais des charges complètes.

Ce qui est intéressant, c’est de voir que les batteries des voitures électriques actuelles ne contiennent absolument pas de terres rares, et que leur recyclage permet de retrouver 95% des métaux qui les composent et cela à 100% de leur capacité.

Ces métaux récupérés peuvent être utilisés indéfiniment.

À ce propos, je vous propose en parenthèses de regarder ce court film du site “Automobile propre” à propos du recyclage des batteries de voitures électriques.

J’en tire quelques conclusions:

J’en reviens à l’enquête du film À contre sens maintenant.

La recharge des voitures électriques, oui, mais avec quoi?

Selon un professeur de l’EPFL interviewé, l’augmentation de la consommation d’électricité dû aux voitures électriques sera, selon les pays, de 10 à 40% et cela dans un délai qui devrait être situé entre 10 et 20 ans, ce qui correspond à une augmentation de quelques pourcents déjà vécue ces dernières décennies.

Pour la Suisse, Christian Bauer, professeur à la haute école de Lucerne et qui travaille pour l’indépendant et reconnu Institut Paul Scherrer dont j’ai parlé plus, si la Suisse passait son parc automobile entièrement à l’électricité, ce pays devrait faire face à une augmentation de 10% de sa consommation électrique.

Selon lui, il est clair que le mix suisse des sources d’électricité favorise ses calculs, mais même en tenant compte d’une moyenne européenne, même en Allemagne qui produit encore une partie de son électricité au charbon, la voiture électrique produit beaucoup moins de CO2 qu’une voiture thermique, en tenant compte de tous les éléments, de sa construction à son recyclage.

Comment l’intox arrive à passer la frontière des journaux traditionnels

Les auteurs du film passent chez Tamedia et interviewent Pierre Veya, ancien rédacteur en chef du journal Le Temps, qui explique que les intox suivent le processus suivant:

Tout est fait pour mettre en place un climat qui puisse faire pression sur les gouvernements pour retarder le passage à la voiture électrique, notamment en France et en Allemagne, même si les choses sont en train de changer quelque peu.

En conclusion

Certains vous expliquent les yeux dans les yeux que la voiture électrique est plus polluante qu’une voiture thermique, et on les voit partout sur le Web clamant ses dangers, reprenant entre autres choses des études émanant des pétroliers américains, notamment la Fondation Fueling US Forward, financée par deux lobbyistes du pétrole, Charles et David Koch qui ont investi 10 millions de dollars pour faire passer leurs intox à travers des films que l’on retrouve sur Internet.

Encore une fois, je ne cherche pas à dire que la voiture électrique résout tous les problèmes, le film de Marc Muller et de Jonas Schneiter non plus.

Je suis conscient que pour les gros rouleurs, elle reste insuffisante en matière d’autonomie et il faut encore et toujours développer le réseau de stations de charges rapides.

Mais là aussi, d’énormes progrès sont réalisés, et certaines marques sont capables d’assurer 500 kilomètres d’autonomie, même en roulant beaucoup sur l’autoroute (en roulant à 120 km/h, vitesse maximale en Suisse).

Je ne prétends pas que l’impact social et économique est nul et que la situation est toute rose, que tout va mieux dans le meilleur des mondes.

Simplement, en l’état actuel, la voiture électrique est la solution qui permet à la mobilité individuelle d’être bien moins impactante sur l’environnement que ne l’est la voiture thermique.

Même si beaucoup font tout leur possible pour nous prouver le contraire, et même si la mobilité douce ou les transports publics sont à prévaloir.

Pour votre information, vous pouvez regarder le film A contresens en vous rendant sur le site officiel du film et en payant 9 francs (8 €) pour une disponibilité de 48 heures.

En ce qui me concerne, pour être sûr de ne pas me tromper, je l’ai regardé plusieurs fois à quelques jours d’intervalle, raison pour laquelle je l’ai acheté 44.81 francs (40.41 €).

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