Je suis triste
Je suis infiniment triste en ce samedi matin, 9 heures, au moment d’écrire ces lignes.
Le Matin papier, c’est fini, je viens d’acheter son dernier numéro, en papier justement, pour avoir un souvenir.
J’en avais déjà parlé ici, mais cette fois, c’est vraiment fini.
Lundi, il y aura un grand vide.
Je sais, c’est un peu la honte de le dire, mais je lis Le Matin –le journal le plus lu par les Romands, 125 ans d’âge– depuis que j’ai dix ans, pratiquement tous les jours.
Et pendant quarante ans au moins, je l’ai lu au bistrot, tous les matins, en mangeant un sandwich et en buvant –à l’époque– un Coca Light puis un Coca Zéro.
Comme on l’écrit beaucoup, j’ai adoré le détester, j’ai beaucoup pesté contre lui, mais je ne sais pas pourquoi, j’y étais suis accroché et j’ai souvent choisi mes cafés selon le nombre d’abonnements et donc de journaux qui y étaient disponibles.
Et puis, depuis deux ans, je me suis abonné à la version numérique.
Je l’ai lu à la maison, en me levant le matin, et je ne suis plus allé au café.
Vous allez me dire alors que je n’ai pas à me plaindre puisque la version numérique du Matin continue.
Oui, mais non en fait.
Je n’aime pas du tout les versions numériques des journaux où l’on ne voit pas la page du journal, telle qu’elle est imprimée.
Moi, j’aime lire la version numérique des journaux avec leur mise en page, en PDF ou équivalent si vous préférez.
J’ai besoin de balayer la page des yeux.
Et puis, comment retrouver en numérique un journal qui était fabriqué en papier par plus de 50 journalistes alors que seuls 15 d’entre eux ne sont pas licenciés?
Je suis furieux
Je suis furieux contre l’éditeur suisse alémanique du Matin, Tamedia, dont les bénéfices ont bondi de 39 % en 2017, pour se monter à 170 millions de francs.
D’abord, parce qu’il n’a rien fait pour sauver Le Matin, bien au contraire, puisqu’il l’a coulé en sortant en parallèle son journal gratuit, 20 Minutes, ensuite parce qu’il a retiré la plupart des petites annonces dudit journal (sauf les pages internes qui étaient des annonces… coquines).
Enfin parce qu’il n’a, semble-t-il, rien tenté pour sauver le journal en cherchant des solutions novatrices, selon Jacques Pilet que j’écoutais hier interrogé sur le sujet à la RTS.
Je suis furieux contre Tamedia parce qu’il a trompé les journalistes romands et le personnel technique de son groupe qui édite aussi en Suisse romande 24 Heures et La Tribune de Genève en brisant leur grève, après avoir été d’une violence dans les menaces de répercussion pratiquement jamais vue en Suisse.
Et en la brisant comment? En faisant semblant d’accepter la médiation du gouvernement vaudois, incroyablement naïf et qui a beau jeu maintenant de jouer les vierges effarouchées, et de claquer la porte, comme un malpropre, jeudi soir, envoyant une gifle sonnante audit gouvernement vaudois, et évidemment, au personnel romand du groupe.
Jacques Pilet l’expliquait très bien à la RTS: à sa connaissance, l’éditeur suisse s’est comporté comme aucune multinationale n’avait osé le faire avec un gouvernement qui prenait la tête d’une médiation pour sortir d’un conflit social.
En conséquence, je suis furieux aussi contre le gouvernement vaudois (osons pour une fois sortir de notre devoir de réserve en tant que membre du personnel payé par le canton), parce qu’il s’est fait gruger par l’éditeur alémanique et donc, parce qu’il a participé indirectement au cassage du mouvement de grève du personnel romand de Tamedia.
Lundi, ça va être dur.
Pour les lecteurs, bien sûr, mais pour les journalistes et le personnel administratif ou technique du journal à qui je souhaite le meilleur pour la suite, ce qui ne va pas être simple, dans cette presse écrite en crise depuis quelques années.
Je reste abonné au Matin Dimanche, qui est un très bon journal, par solidarité.
Parce que j’aime ce journal.
Parce que si je me désabonne, je tire une balle dans le pied de la presse romande, qui n’a pas besoin de ça.
Mais ça me fait mal de donner du fric à Tamedia, ça, je peux vous l’assurer.
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Oui, il est bien loin le temps où la Tribune (c’était son nom) faisait sa une avec les articles en direct de Jacques Tiziou sur l’aventure Apollo! Depuis, les journalistes n’ont fait que se tirer des salves de mitraillettes dans les arpions en se contentant de ronronner en copiant-collant les articles de l’ATS ou en rapportant des cancans scabreux. Ils ont pactisé avec le fric tant que ça les arrangeait et maintenant ils pleurent parce que le fric les laisse tomber. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes si le monde de la presse a pris cette tournure et les lecteurs ne pourront rien y changer.P.S: Pilet ne prend qu’un l. 😉
Cela fait évidemment mal pour les personnes touchées, mais je ne plaindrais pas les journalistes qui n’ont fait que creuser leur propre tombe ces dernières années. Le Matin est un titre que je ne lisais plus depuis longtemps à cause de la pauvreté du contenu, mais le pire est sans doute que le lecteurs vont continuer à migrer vers le 20 Minutes, qui n’est absolument pas un journal.Je suis sans doute d’une génération dépassée, mais je n’ai aucun soucis à payer pour avoir accès à de la bonne information, mais effectivement au niveau romand cela devient compliqué.
Je comprends et partage tout ce que tu écris. Même ta dernière phrase.Mais moi je pense me désabonner de 24heures à la fin de ma période d’abonnement actuelle qui finit en septembre. Parce que trop c’est trop. Parce que je ne peux rester sans réagir. Parce que j’ai toujours pensé qu’en tant que consommateur on devait lutter en consommacteurs et utiliser notre seul pouvoir qui fait mal: le boycott, lorsqu’on est gravement choqué et méprisé par un acteur du marché. Certes la presse romande (et en particulier les journalistes restants du groupe Tamedia) n’ont pas besoin qu’on déserte un peu plus leurs médias. Mais je veux être conséquent. Et je reste abonné à d’autres titres romands d’autres (meilleurs ?) éditeurs. Je refuse de ne pas agir en orientant pas mon pouvoir d’achat. C’est pour moi une question de principe. J’ai encore un mois pour réfléchir et 24heures me manquerait. Mais je ne veux plus verser un sou à l’éditeur zurichois. Quitte à verser la contre-valeur au syndicat des journalistes.
Et je ne suis pas tout à fait d’accord sur le fait que le journal copiait les dépêches de l’ATS: c’est plutôt 20 Minutes qui fait ça.Les news piquantes étaient une belle manière de s’informer, montrant le ridicule de certaines décisions, des plus petits aux plus puissants.C’était fait avec beaucoup de finesse.
Mike, j’étais d’accord avec vous pendant que le journal était vivant: il aurait pu être plus puissant, plus pointu, et en même temps, il aurait été moins populaire.C’était bien d’avoir un journal populaire, aussi…
Courageux Bugraptor, mais comme tu le dis, un peu dangereux.J’aimerais passer sur Le Temps, mais j’ai bien vu à la fin de l’Hebdo qu’il ne me convenait pas par manque de temps pour le lire, justement. Mais bon, j’hésite…
J’ai corrigé Caplan, merci.Je suis d’accord que le journal ne volait souvent pas très haut, mais il reflétait une région romande, accompagnait les gens, nous y étions attachés, même si l’on était toujours critiques par rapport à ce qu’il disait. Que de débats n’a-t-il pas ouverts!
La presse romande n’est pas encore morte, même si elle perd encore un peu plus de sa diversité. A nous, lecteurs romands de faire ce qu’il faut pour qu’elle évolue dans le sens que nous voulons plutôt que de subir ce que d’autres veulent nous imposer. Car n’oublions pas que l’on a aussi la presse que l’on mérite. A lire ici notamment le papier d’Anna Lietti (ancienne du feu Nouveau Quotidien et du tout aussi feu l’Hebdo, qui écrit ici très justement dans le nouveau et frais « Bon pour la tête » pourquoi l’on doit pleurer Le Matin même quand on l’a critiqué et jugé superficiel: https://bonpourlatete.com/a-vif/merci-aux-confreres-du-matin-vaillants-resistants-au-clivage-social
Je suis très loin d’être un spécialiste de la presse papier, mais je profite d’une offre qui me parait incroyable, depuis un an, et qui vient de m’être renouvelée pour un an sans que je ne débourse quoi que ce soit.Je suis abonné chez Bouygues Telecom depuis un an environ. Je paie 15€ par mois, pour des communications européennes illimitées, 20 Go de data cellulaires dont je me sers très peu. Je n’ai pas acheté mon iPhone grâce à une offre de Bouygues.Quelques semaines après le début de cet abonnement me parvient une "offre presse" via http://www.lekiosk.com.Le catalogue accessible GRATUITEMENT est iciJe peux donc lire totalement librement tous ces journaux et revues sans que ça ne me coûte le moindre centime. Il n’y a pas de publicité pour financer ça.Si quelqu’un peut m’initier au modèle économique de la chose, je suis preneur.Pour votre "Matin" amis suisses, je n’ai que des regrets amicaux.
Je l’ai déjà dit ici, je crois: je ne suis pas fan du Matin. Je ne l’ai jamais été. Et ces dernières semaines, malaise: je n’ose pas le dire. La question est double: pourquoi est-ce que je ne l’aime je pas & pourquoi n’ai-je pas le droit de le dire ?Il y a cette chose dans la disparition de la presse, notamment romande, qui ne va pas. C’est pour ça que j’ai la sensation de ne pas avoir le droit d’avouer mon désamour (ma "haine" parfois !) pour un quelconque journal. Une presse multiple et diversifiée est importante pour la démocratie. Soit. Oui, c’est vrai. Ok. Voilà pourquoi je n’ai pas le "droit" (en tous cas j’ai la sensation que je n’en ai pas le droit) de dire que la disparition du Matin me laisse un peu froid (au moins tiède, disons).Mais bon. Le Matin, je ne l’aime pas. Pour moi c’est le contraire de François: rien que de le voir de loin dans un café qu’il me ruine le goût de mon allongé. Et ça fait plusieurs jours que cela me taraude: suis-je élitiste ? Mais non ! De dieu: ce que j’aime la simplicité. Aussi. Bobo, alors? Oui, probablement un peu…. Alors quoi ? Et bien c’est le commentaire de Burgraptor mettant en lien un édito de Bon pour la tête (mais ne me lancez pas sur Bon pour la tête…) quelque part dans ces commentaires qui vient de m’éclairer. Anna Lietti y relate comment elle a, de ses yeux, vu, des gens "populaires" lire Le Matin et ainsi comprendre le monde. Elle y loue la capacité de ce journal à écrire pour "tout le monde", au contraire d’elle-même, dit-elle, qui ne sait écrire que pour ses semblables. Mon bon sang voilà !C’est de cela dont on a besoin: une presse capable d’expliquer le monde qui nous entoure, de manière simple et claire et… intelligente. Or. Justement, Le Matin, chaque fois que je l’ai lu, je l’ai trouvé bête. Pas dans le sens de "pas assez intello", mais bête dans le sens de "presque populiste". Certaines prises de position de ce journal, certaines chasses aux sorcières, notamment, ont été particulièrement dégueulasses. Parfois, vraiment, je trouve: Le Matin prenait les gens pour des c#&§… Ne peut-on pas être "populaire" (donc: "expliquer bien les choses, êtres rigolos et pas se prendre la tête"), tout en restant "intelligent" (donc: expliquer bien les choses, clairement, simplement, concrètement, professionnellement, avec perspicacité, analyse et mise en perspective)?Voilà. Donc. Finalement. J’avais deux questions. Et maintenant, grâce à Burgraptor, j’en ai plus qu’une , et je peux enfin le dire: je n’aimais pas Le Matin, et je ne suis pas extraordinairement triste de le voir disparaître. Par contre je souhaite une presse populaire, intelligente pour la Suisse Romande. Clairement.
Le modèle économique qu’utilisait Bouygues (entre autres) lorsque j’étais chez eux était une arnaque à la TVA, modèle qui doit toujours fonctionner.Le principe est le suivant : la TVA sur la presse est de 2,10%, alors que celle sur les telecom est de 20%. Ils avaient donc offert à tous leurs abonnés le bouquet presse, pour diviser par deux leur TVA.En contrepartie, les opérateurs ne paient les éditeurs de presse qu’en fonction de ce qui est réellement consommé, le montant total des paiements aux éditeurs est très inférieur à l’économie réalisée sur la TVA. L’arvaque réside dans le fait que le taux de TVA réduite sur le bouquet n’est pas mis en relation avec les sommes réellement versées aux éditeurs de presse…Stéphane.
Ah. Je n’avais pas pensé à cette arnaque si l’on peut dire… Ou cette manière de contourner l’impôt. Cela dit, Ysengrain, le regretté Guy-Michel Cogné a écrit un édito pour le moins brillant il y a peu.C’est ici.Du coup, Chasseur d’Images n’est plus sur Le Kiosk.
Du coup, je me suis abonné à Bon pour La Tête pour une année. On verra.
Bon, 24 Heures est un bon compromis je trouve.
Ah, Stéphane, c’est d’ailleurs dans la deuxième partie de l’article (qui n’était pas dans l’édito, c’est une mise à jour), que GMC explique l’arnaque dont vous parlez.
Rien à voir avec Le Matin, tu verras. J’si été un petit peu déçu au début. Par la présentation, minimaliste, par le choix des sujets, totalement hétéroclites. Mais il faut en fait le lire comme un blog. Chaque journaliste traite les sujets qui l’inspirent. Sans ligne éditoriale claire. Mais c’est frais. C’est libre. Il faut le lire sans préjugé ni souhait particulier. Se laisser emporter d’un sujet à l’autre même si ce n’est à priori pas notre tasse de thé. Et se laisser surprendre. Et là. Souvent. La surprise est agréable…
Merci pour ce lien.La bonne nouvelle est que la « pirouette » fiscale, pour reprendre le terme de GMC, n’est plus possible !
Oui, j’ai vu. C’est exactement ça, il faut lire comme un blog.A première vue, je trouve que le contenu est un peu léger. Pas le contenu des articles, qui sont pointus, mais leur nombre.Lorsqu’on s’abonne à un journal, on attend un certain nombre d’articles par jour. Il me semble que ce n’est pas le cas ici.Et puis, dommage qu’il n’y ait pas d’application iPad. OK, on peut utiliser la version de bureau, c’est bien présenté, mais lorsqu’on donne dans le numérique uniquement, il me semble que les apps sont un minimum.
Oui je suis d’accord avec toi pour le nombre d’articles et l’application qui manque. Je crois qu’ils sont encore une petite équipe de naufragés de l’Hebdo. Et leurs moyens techniques sont (très) limités…C’est pour ça que je les soutiens. L’important d’abord c’est le contenu. Et je pense que de ce point de vue ils méritent d’être soutenus. Mais oui, leur avenir est très incertain et dépend de ce soutien précisément… Mais je ne suis pas certain que cela suffira à moyen terme… Loin de là…Donc oui c’est clairement un abonnement de soutien. Et de combat.
Le courrier 🙂