Depuis quelque temps, j’ai fait l’acquisition de matériel Leica, dans la gamme Q, absolument extraordinaire, ce dont je vais vous parler très très prochainement.
Il se trouve que j’ai eu l’occasion de tester trois jours le tout nouveau Leica M EV-1, doté d’un objectif Sumicron 90 mm f2 apochromatique.
Si vous n’êtes pas au courant de la vie de Leica, la gamme M, née dans les années cinquante, c’est celle des appareils mythiques de la marque, permettant le changement des objectifs, ces magnifiques objets d’art, comme sur un reflex, sauf que ce n’est pas un reflex.

Il faut avoir eu dans la main un objectif Leica pour se rendre compte de sa qualité de fabrication.
Vous visez à travers un viseur optique, et vous mettez au point à l’aide de la bague dédiée sur l’objectif.
La netteté?
C’est là qu’entre en lice la télémétrie, ou le télémètre, si vous le préférez, une véritable pièce d’horlogerie dotée de 170 composants montés à la main.


Vous regardez dans le viseur, et au milieu de la visée, vous voyez une toute petite image « fantôme »: lorsqu’elle est superposée à l’image du viseur, c’est que la photo est nette.
J’ai essayé à de nombreuses reprises, et si, sur un visage, la chose est possible, mais difficile, sur des motifs répétitifs, par exemple (les pierres d’un mur), cela devient réellement pénible, parce que vous ne savez pas avec quoi l’image fantôme doit être superposée.
Et voilà, il faut aussi l’admettre, malgré mes excellentes lunettes, cette mise au point est de toute façon compliquée l’âge venant (ou étant déjà venu).
Beaucoup de « vieux », habitués à la télémétrie des Leica, s’en plaignent, soit dit en passant.
C’est quoi un M?
Un M est un appareil qui a toute une histoire, née dans les années cinquante, comme je l’ai dit plus haut, qui a débuté sa carrière en argentique, et qui, depuis quelques années, propose son équivalent argentique (qui existe toujours) et en numérique.
Un M, qu’il soit numérique ou argentique, est un appareil plutôt compact, et qui impose:
- une mise au point manuelle
- un mode automatique qui se limite à la vitesse et aux ISOs, l’ouverture du diaphragme, c’est vous qui la choisissez de toute manière, elle ne peut pas être automatique. Et surtout, elle n’est pas visible dans le viseur, ce qui est pour le moins embêtant pour moi.
- pas de stabilisation
- pas d’écran orientable
- une visée télémétrique, donc, mais qui marque d’un cadre dans le viseur ce qui est réellement vu par l’optique que vous avez montée dessus: le viseur voit en 28 mm, et vous indique des cadres de plus en plus petits plus vous montez en focale. Avec un 35 mm, ça passe, quand vous montez au 90 mm, vous devez cadrer votre image et la mettre au net dans un minuscule rectangle, au centre du viseur.
C’est comme ça, c’est le prix à payer pour toucher cet objet qui est juste magique, il faut l’avoir touché une fois pour comprendre.
Le Leica M E-V1, pour « electronic Viewfinder »
C’est comme ça? Vraiment?
Eh bien non, bien des choses changent avec l’arrivée de cette nouvelle gamme de M qui sort sur le marché parallèlement à la gamme argentique et à celle au viseur télémétrique, puisque le nouveau Leica M dispose d’un viseur électronique.
Vous reprenez un modèle M, et vous lui greffez un excellent viseur de 5.76 MP, encore meilleur à mon avis même s’il lui ressemble, que celui des Leica Q.
Il est d’une stabilité et d’une tranquillité incroyable, d’une clarté et d’une définition qui le sont tout autant.
Et là, la visée devient ainsi extrêmement efficace.
Vous disposez d’un viseur splendide qui permet, même sans aide, de vous faire une bonne idée de la mise au point.
Mais parfois, il faut aller plus loin, c’est là que le Focus Peaking (les zones nettes sont bordées d’une couleur, le rouge par défaut), ou l’aide à la mise au point (un agrandissement au centre d’une zone visée), ou encore un mixage des deux, entrent en jeu.
Cela étant, le Focus Peaking a quelques limites: il gère les arrêtes, beaucoup moins les formes plates, or, il arrive que l’on ait besoin de faire la mise au point sur l’une d’elles. On prend des repères à côté quand on peut, mais ce n’est pas toujours évident.
Et puis, en cas de fort ensoleillement, il faudra monter la lumière dans le viseur électronique, pour bien voir les lignes de couleur.
Mes petites difficultés viennent certainement d’un manque de pratique de ma part, je ne passe pas à la mise au point manuelle comme ça, d’un coup de cuillère à pot, c’est l’évidence.
Quand tout va bien, et c’est ce qui me semble être dans la grande majorité le cas, mettre au net sur un Leica M devient certes plus lent qu’avec un autofocus (et comment, pour quelqu’un comme moi), mais parfaitement précis.
Franchement, que du bonheur, et c’est un gars qui ne jurait que par les autofocus ultra-performants des Canon-Sony-Nikon qui vous parle.
Je ne dis pas que les autofocus sont inutiles, oh que non, ils restent pour moi indispensables, notamment dans la photo d’action ou même familiale, avec mes petits-enfants, mais le Leica M, c’est une autre manière de photographier, où l’on redevient maître de tout, où l’on prend un peu plus le temps avant de déclencher.
Peut-être même que, si je devais continuer mon expérience avec un Leica M EV-1, j’arriverais à faire sans avec, même dans lesdites circonstances familiales.
Donc, tout d’un coup, la photographie avec un boîtier de la gamme M devient possible pour moi grâce à ce viseur optique, parce que ça y est, j’arrive à viser et surtout à mettre au point avec ce modèle. Il faut dire que je m’étais un peu entraîné sur mes Leica Q (qui sont pourtant dotés d’un bon autofocus, mais j’y reviendrai dans un autre article).
Un boîtier qui n’est toujours pas stabilisé
Les capteurs des Leica Q sont stabilisés, pas celui du M EV-1, quel dommage!
Le passage à cette nouvelle branche des M aurait vraiment mérité ce plus qui devient indispensable, avec un capteur de 61 MP.
Je ne comprends pas que Leica ne la propose pas sur tous ses M numériques dotés de ce capteur.
Surtout avec un objectif de 90 mm, celui que j’avais monté sur l’appareil.
C’est ce qui fait sans doute que le manque de netteté de certaines de mes photos pose un problème de flou de bouger.
Alors, pour pallier la chose, seule solution, augmenter la vitesse d’obturation, ce qui implique une montée en ISOs et en bruit dans l’image, plutôt bien géré par le boîtier, mais bien perceptible dès 3’200 ISOs dans de mauvaises conditions d’éclairage.
Je ne suis pas un as du déclenchement, je sais que je bouge légèrement, eh bien, je peux vous dire que la stabilisation des Q est une bonne chose pour moi, et ça l’aurait aussi été sur ce M si elle avait été présente.
Un écran désespérément vertical
Impossible d’incliner l’écran du Leica M E-V.
Dommage.
Les Q le permettent, eux, sur l’axe horizontal.
C’est un peu dommage pour la Street Photo que le petit nouveau ne le propose pas, surtout lorsqu’on pratique la « photo volée ».
Bon, ben voilà, c’est un M, quoi.
La qualité d’image
Je ne sais pas si c’est l’optique apochromatique Sumicron 90 mm f2, mais les rendus du M E-V 1 avec elle sont doux.
Je ne retrouve pas immédiatement le croustillant, en DNG, mais aussi en JPEG, des Leica Q3 et du Q3 43, ce dernier, étant, il est vrai, doté d’une optique absolument incroyable.
Les photos ci-dessous (sans intérêt particulier), sont des DNG traités par la dernière version de Lightroom, sans appliquer de profil autre que celui de base, à savoir Adobe Standard. C’est mieux avec Adobe Couleur, mais je tiens à rester sur du « non édité ». Rien n’a été modifié en matière de réglages.


Pour moi, il est clair que si l’on photographie en Leica M, c’est en RAW (DNG) qu’il faut le faire, l’image en ayant sous le coude dans ce format pour l’édition, ce qui est bien moins le cas sur le JPG, comme il se doit.
Et comme le profil « Adobe Couleur » me semble convenir plutôt bien aux DNG de ce M, et que les couleurs sont proches des JPEG, on aurait tort de se priver de leur souplesse.
64 Gb en interne
Vous n’avez jamais oublié votre carte SD dans votre Mac, vous?
Moi oui, et dans cette situation, un disque dur interne est une sacrée invention dont sont dotés les M depuis un moment.
Le M EV-1 ne fait pas exception, mais ne propose « que » 64 Gb de mémoire interne, contrairement aux M 11 qui, eux, nous en offrent 256. On m’explique pourquoi le petit dernier est doté d’un quart de mémoire de ses frères?
Cela dit, qu’est-ce que c’est bien, cette mémoire interne, je pense que, tôt ou tard, toutes les marques vont y venir.
Une application Leica Foto bien fichue
Un truc très sympa, chez Leica, c’est la facilité de connexion avec l’application dédiée qui sert aussi bien à configurer l’appareil qu’à gérer les coordonnées GPS des photos que vous prenez ou à prendre des photos en mode connecté.
Entrer dans le wi-fi des appareils Leica est très simple et prend juste quelques secondes.
Du très joli travail, quel que soit le ou les appareils que vous avez entrés dans cette application.
Un objet splendide
Vous allez me dire que tout ce que je viens d’écrire n’est pas forcément très positif.
C’est certainement parce que je n’ai pas l’habitude du concept « Leica M », et qu’il faudrait que je réapprenne à prendre des photos avec moins de technologie.

Dire aussi que ma période d’essai aurait été plus simple avec un objectif à la focale plus courte, par exemple un 35 mm, ce qui aurait diminué mes problèmes de flou de bouger.
Cela étant, et j’y reviendrai dans un prochain article, photographier avec un Leica, quel qu’il soit, et le M EV-1 ne fait pas exception, a quelque chose de tellement jubilatoire que je serais presque prêt à poursuivre l’expérience.
L’objet est tout simplement tellement magnifique, bien fini, que l’on ne peut qu’avoir du plaisir à photographier avec cet appareil.
Juste une petite déception: la connexion USB-C est située sous la semelle, c’est pratique peut-être lorsque l’appareil est sur trépied, mais pas du tout lorsqu’on le connecte à son ordinateur.
Ah, puisque l’on parle d’ergonomie, notez encore que le capteur de 61 MP est protégé lorsque l’on change d’objectif.
À ce propos, le fait que les Leica Q et M soient livrés sans chargeur, à ce prix, c’est assez honteux, il faut le dire, même si Apple ne fait pas mieux avec son dernier portable.
Pour en revenir à des remarques positives, les menus sont tellement simples, l’essentiel est là, vous ne vous perdez jamais dans l’interface de ces appareils.
Les Leica Q sont, pour quelqu’un comme moi, beaucoup plus abordables en matière de prise de vue, parce que leur autofocus, par exemple, fonctionne plutôt bien, et leur stabilisation se montre très efficace.
Ça aide, par rapport au M, c’est clair.
Mais, à ce que j’ai pu constater avec mes petits doigts et mon petit œil droit, ledit M permet d’avoir l’impression de vraiment construire son image d’un bout à l’autre, et le viseur électronique du EV-1 permet de le faire beaucoup plus facilement.
Yann Mathias, dans sa vidéo sur les Leica M, parle en conclusion « d’acte photographique complet », je comprends ce qu’il veut dire.
Cela dit, mon rêve aurait été que le Leica M EV-1 soit un Leica Q qui permette de changer les objectifs (Leica, bien sûr) et de profiter de cette gamme exceptionnelle du système M.
Mais cela n’aurait pas plu aux puristes historiques, comme d’ailleurs, j’imagine, le viseur électronique doit en faire frémir quelques-uns.
Voilà, c’est mon petit tour de ce nouveau venu qu’est le Leica M EV-1.
J’aurais une petite conclusion: je veux bien que photographier avec un M soit un acte photographique, mais il y a du travail chez moi pour arriver à faire aussi bien qu’un autofocus, même plus lentement, et du travail, aussi, pour parvenir à jouer le rôle, moi-même, du stabilisateur.
Le premier me fait moins peur que le second, qu’on se le dise: quel dommage tout de même de n’avoir pas stabilisé ce M!
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Intéressant. J’ai revendu mon M6 et il me manque parfois. La mise au point n’a jamais été un problème pour moi, au contraire, j’aime bien.
Mais les Leica M numériques, j’accroche pas…
Mais alors qu’avez-vous choisi? Vous êtes resté en argentique ou êtes-vous passé en numérique sur une autre marque?
J’ai de tout. De l’argentique (du 110 au 4*5, en passant par le film instantané), du numérique. Mais en fin de compte, aujourd’hui, je fais la plupart de mes photos avec un smartphone à optiques Leica. Eh oui !
Quand on prend de l’âge, la visée télémétrique devient problématique. Donc je vais passer à cet EV1. Mais je garde quand même, mon M11 monochrome qui pour moi reste le meilleur. Et que dire du SAV Leica: connaissez-vous beaucoup de marques capables de vous réparer un boîtier de + de 20 ans d’âge ? Et que les optiques Leica sont magnifiques (mais onéreuses). Quant au débat sur la visée télémétrique ou électronique, c’est le même débat qui avait lieu lors du passage de l’argentique en numérique, un combat d’arrière-garde.
Lire argentique. Merci
J’ai corrigé pour toi.
Tu aurais pu le faire toi-même, d’ailleurs, c’est prévu pour!
Tu peux même monter à 70 ans d’âge, pour les réparations.
Le M11 Monochrome est exceptionnel, et le Q3 Monochrome qui arrive en décembre va l’être aussi.
J’ai toujours cru que les capteurs monochromes, c’était un peu pour les coupeurs de cheveux en 4, mais non, le fait de retirer la matrice de Bayer, ça change tellement la gestion du bruit et le piqué, c’est dingue!
Il me semble bon de préciser que l’application Leica FOTOS n’est disponible que sur iPhone. Quant au problème du chargeur, c’est la même chose avec Apple, si l’on dispose déjà des matériels de la marque le chargeur fait double emploi. Mais si l’on est nouveau sur le matériel, Leica ou Apple, il est évident que l’absence de chargeur peut sembler un peu mesquine (même si Apple a baissé ses prix de 100 €.) si l’on tient compte du montant de ces appareils.
Intéressant, et rafraîchissant. À l’heure où sur les réseaux sociaux les anti-tout, y compris anti Leica, se déchaînent, cela fait plaisir de lire quelqu’un s’enthousiasmer – à juste titre – de l’usage d’un Leica. Tous les appareils aujourd’hui sont excellents, c’est à l’usage qu’ils se différencient. J’adorais mon Canon R5, mais c’est sans regrets que j’ai troqué le poids du système et ses menus sans fin, pour la joie retrouvée de photographier avec un Leica Q3 – je me réjouis de vous lire à ce sujet ! Le M avec viseur électronique est une brillante addition à cette ligne légendaire, je crains toutefois qu’il ne répondra jamais à vos attentes en matière de stabilisation. Sur les Q3 c’est les objectifs qui sont stabilisés, pas le senseur. Pour changer cela il faudrait probablement redessiner les boîtiers, qui prendraient du poids et de la largeur – vade retro satanas ! Et puis le M EV1 doit être entièrement compatible avec tous les objectifs de la ligne, qui ne sont pas stabilisés. Peu de chances donc, à mon avis, de voir un jour un M avec stabilisation et peut-être que c’est très bien ainsi: les lignes Q et SL sont là pour ça après tout. Bien à vous
Bonjour Olivier,
Je ne m’étais pas penché sur la technique de stabilisation des Q, vous avez raison, c’est bien l’objectif des boîtiers qui sont stabilisés.
Cela dit, je reste persuadé qu’un 61MP sans stabilisation, notamment ici pour le M EV-1, c’est très très compliqué, surtout dès qu’on dépasse le 35 mm en focales.
Je le vois bien avec le Q3 43: si je désactive la stabilisation, c’est bien plus difficile d’avoir des photos sans flou de bouger qu’avec cette même stabilisation activée, alors que c’est beaucoup moins le cas avec le 28 mm.
Cette montée des vitesses sur le M implique, bien évidemment, des vitesses plus rapides, et donc une montée en ISOs, ce qui est tout de même gênant.
Certes, il est possible de baisser la résolution du capteur (60, 36 ou 18 MP), mais, dans ce cas je peux aussi croper dans le Q3 43 pour arriver au même résultat.
L’avantage du M c’est que le capteur reste utilisé en pleine surface et que la visée à 90 mm est totale, alors qu’elle est dans un cadre dans le viseur du Q3 ou du Q3 43.
Puisque vous parlez de la gamme SL, cette dernière ne m’intéresse pas, a priori, au vu du poids du système. Cela dit, j’imagine que le savoir-faire Leica doit, là aussi, être exceptionnel, en matière de rendu d’image.
J’ai hérité du Contax IIb et du Leica III de mon père avec lesquels j’ai débuté et appris… (je n’ai pas fini d’apprendre en photo)
Les 2 boitiers étaient équipés d’une MAP par télémètre comme décrit dans le billet. Les conditions n’étaient sans doute pas les mêmes qu’aujourd’hui, mais la visée du Contax était on ne peut plus « pas claire », un peu meilleure sur le Leica.
J’ai quitté ces 2 boitiers il y a longtemps et je n’y reviendrai pas.
Ceci posé, pour avoir jeté un oeil dans le viseur d’un M6, l’amélioration était flagrante quand bien même faire coïncider 2 images en toutes circonstances… cf les remarques de Francois.
La technologie de stabilisation nous fait profiter d’une très nette amélioration surtout si elle couple stab du boitier et stab de l’optique.
À propos de stabilisation j’ai lu qu’il ne fallait pas l’utiliser quand le boitier est sur pied. J’ai donc posé la question à notre amie Perplexity: « La stabilisation du boîtier ou de l’objectif doit être désactivée lorsque l’appareil est monté sur un trépied, car la stabilisation est conçue pour compenser les mouvements du photographe à main levée. Sur un trépied, l’appareil est déjà immobile, et la stabilisation peut alors chercher à compenser des mouvements qui n’existent pas, ce qui peut créer des vibrations ou des micro-mouvements indésirables. Cette compensation erronée peut entraîner un flou de bougé, dégradant la netteté de l’image« .
J’admire la colorimétrie Leica, quant aux Monochrom… un rêve… inaccessible en terme de tarif